BoomerangEcofiJustice

AFFAIRE FRAUDE DOUANIERE A OUAGARINTER (Acte 4)

L’actuel DG aussi n’avait pas boudé la soupe fétide !

L’actuel DG aussi n’avait pas boudé la soupe fétide !

Adama Ilboudo, actuel DG des douanes du Burkina et chef du bureau Ouaga-gare au moment de la fraude

Le dossier de la vaste fraude douanière ayant coûté des centaines de milliards de FCFA au trésor public burkinabè, révélé par Bamyinga.com, ne finit pas de dévoiler ses secrets. Nous avons fait cas des agissements de l’ex-DG des douanes, Mathias Kadiogo, un acteur clé du bureau de Ouagarinter au moment des faits, tendant à entraver l’enquête ouverte par l’ASCE-LC sur cette affaire, suite à nos révélations. L’homme a fini malgré tout par être débarqué de son poste, en conseil des ministres, en pleine fièvre de fêtes de fin d’année 2023. A en croire certaines indiscrétions, le dossier Ouagarinter ne serait pas très étranger à cette déchéance soudaine.  Il est remplacé par Adama Ilboudo, un autre homme du sérail, jusque-là conseiller du ministre en charge des finances. Mais ce dernier est-il blanc comme neige dans cette sombre affaire ? Loin s’en faut, visiblement

Notre enquête a expliqué le mode opératoire de cette vaste fraude dans laquelle ont baigné certains hauts gradés de la douane et leurs complices se recrutant parmi les gros importateurs de produits de grande consommation : d’importantes quantités de marchandises prise en charge dans le système informatique de la douane ont régulièrement fait l’objet de révision, le plus souvent à la baisse. Et cela sans justificatif valable. Seulement ces quantités ainsi minorées sont apurées par déclarations de mise à la consommation. Le plus gros des marchandises est alors déversé sur le marché national sans jamais avoir été dédouané. Cette pratique a permis de soustraire des quantités énormes de marchandises du paiement des droits et taxes dus.

Le bureau de douanes de Ouagarinter, plus grande porte d’entrée de recettes de la douane a été une place forte de cette fraude. C’est par ce bureau que passe le plus gros des importations nationales, en provenance des postes frontaliers est, notamment des ports d’Accra, Lomé et Cotonou. Mais en y regardant de plus près, il n’y avait pas que ce seul bureau dans cette vaste tromperie. La pratique qui a duré des années, était devenue le sport favori dans plusieurs bureaux de douanes dans le pays. Comme si l’on s’était passé le mot, presque tous avaient trouvé là une belle opportunité pour s’enrichir et très vite, au grand détriment du trésor public.

Après le bureau de Ouagarinter, le bureau de Ouaga-gare se présente aussi comme l’un des bureaux de douane enregistrant un flux non négligeable de marchandises d’importation. Ouaga-gare, encore appelé bureau de la gare de train, c’est ce bureau de douane, situé à l’arrière de la gare de train, du côté du quartier Dapoya. C’est par ce bureau que transite l’essentiel des marchandises entrant par les postes frontaliers ouest, notamment en provenance du port d’Abidjan par les rails et autres. Cette autre grande porte d’entrée de recettes de douane n’a pas échappé à la razzia des fraudeurs et leurs complices.

Une autre citadelle de la fraude

Le mode opératoire est le même. Mais ici en plus de la minoration des quantités et poids des marchandises prises en charge, on a pris le soin d’effacer littéralement les traces de certaines cargaisons entières n’ayant pas accompli les formalités de mise à la consommation. Le manège a consisté à neutraliser dans le système informatique les quantités de marchandises passibles du paiement des droits de porte. De façon plus claire, les quantités de marchandises de certaines cargaisons entières, inscrites dans le système, ont été effacées, créant une situation d’absence de fait générateur d’exigibilité de droits de douane. Quant aux rares dossiers dont bamyinga.com a pu avoir des traces, la falsification des chiffres donne parfois le tournis. Par exemple, début février 2019, un importateur fait entrer 35 700 sacs de farine d’un poids total d’environ 1 320, 5 tonnes, en provenance d’Abidjan.  Il en est ressorti en ne dédouanant que 10 400 sacs. Soient seulement 520 tonnes sur les 1 320 tonnes. Fin août 2018, un autre importateur fait rentrer 128 190 sacs de riz d’un poids total d’un peu plus de 1 966 tonnes. Il n’en dédouanera que 18 000 sacs, soit 947 tonnes sur les 1 966 tonnes. Juillet 2017, un autre importateur fait rentrer 98 colis d’huile de palme, d’un poids total d’un peu plus de 1 700 tonnes, en provenance toujours d’Abidjan. Il n’en dédouane que 36 colis, soit 509 tonnes sur les 1 700 tonnes.

Un préjudice de près de 4,5 milliards en deux ans

Tout comme à Ouagarinter, ces exemples peuvent être multipliés à l’infini. Les chiffres concernant le préjudice subi par le trésor public dans ce seul bureau en deux ans seulement (entre 2018 et 2019) sont effrayants. Sur l’huile de palme par exemple, ce préjudice se chiffre à plus de 2,8 milliards de FCFA. Sur la farine, c’est plus de 504 millions de FCFA qui ont été dérobés. Sur le sucre, c’est plus de 764 millions de FCFA. Si l’on y ajoute le riz, c’est un total de près de 4,5 milliards de FCFA que le trésor public a perdu dans ce seul bureau au cours des deux années, dans l’importation de ces quatre produits.

Dans le cas de Ouagarinter, comme nos enquêtes l’ont révélé, pour avoir occupé le poste stratégique de chef de la brigade commerciale et responsable des magasins et aires de dédouanement au moment des faits, il est impensable que Mathias Kadiogo puisse ignorer l’existence de cette fraude. C’était lui et ses hommes qui avaient en effet pour rôle, entre autres, de vérifier la conformité des documents de dédouanement, avant d’autoriser la sortie des différents camions entrés dans le bureau. C’est dire qu’aucune marchandise frauduleuse ne pouvait franchir la sortie de ce bureau sans la caution préalable de chef Kadiogo et ses hommes.  D’aucuns pensent qu’il en sait trop sur cette fraude.

Dans le cas de Ouaga-gare, un nom revient par intermittence : Adama Ilboudo. Tout comme Mathias Kadiogo à Ouagarinter, Adama Ilboudo n’était pas n’importe qui à Ouaga-gare, au moment de ces faits. Il était le chef dudit bureau. En tant que premier responsable donc de ce bureau, il avait l’œil sur l’ensemble des opérations de dédouanement qui s’y déroulaient. Mieux, sur les documents de certaines opérations frauduleuses en possession de certains importateurs, son nom trône en tant qu’inspecteur en chef desdites opérations (confère facsimilés). Cet homme peut-il, dans ces conditions, décliner toute responsabilité dans la pratique de cette fraude à grande échelle dans ledit bureau ? Bamyinga.com a voulu en savoir davantage auprès de l’homme. Dans un premier temps, il a réagi très promptement à notre sollicitation, promettant de procéder à des vérifications avant de nous revenir. Puis patatras ! L’homme est devenu subitement aphone, ne répondant plus à nos relances, jusqu’au moment où nous bouclions ces lignes. Affaire à suivre !

Par Y. Ladji BAMA et Abraham Touré

encadré
C’est aussi sous Adama Ilboudo que les cargaisons de
charbon fin ont quitté Ouaga-gare en 2016 et 2018 !

Adama Ilboudo est présenté comme l’une des plus grandes éminences grises de l’institution douanière burkinabè du moment, au regard de son CV. Pourtant, c’est sous son magistère que les expéditions frauduleuses de charbon fin de 2016 et 2018 ont été mises sur les rails à partir de Ouaga-gare. Malgré toutes ses compétences reconnues de ses collaborateurs, l’homme n’aura curieusement vu que du vent, par deux fois, dans le plus gros scandale de pillage d’or de l’histoire du Burkina.

AT

Chacun de nous peut faire une différence. Faites un don aujourd'hui et aidez-nous à vous fournir des informations crédibles régulièrement. Merci !

Articles similaires

Un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page