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AFFAIRE FRAUDE DOUANIERE A OUAGARINTER (Acte3)

De quoi le DG des douanes a-t-il peur ?

De quoi le DG des douanes a-t-il peur ?

Il y a quelques mois, nous publions sur ce site un article révélant comment des gros bonnets au sommet de l’administration des douanes et leurs complices dans les milieux des commerçants gros importateurs ont, à travers un vaste réseau de fraude mis en place, dépouillé le trésor public d’énormes sommes d’argent. Des centaines de milliards de FCFA ; c’est ce que cette saignée a coûté au trésor public, si l’on en croit les estimations de certains spécialistes. Notre article n’avait pas laissé indifférente l’Autorité Supérieur de contrôle d’Etat et de la lutte contre la corruption (ASCE/LC). Elle avait aussitôt lancé ses fins limiers à l’assaut de cette citadelle pratiquement imprenable de la fraude douanière. Mais très vite, l’administration douanière avait montré, notamment à travers un surprenant jeu de chaises musicales, que l’œuvre de salubrité publique ainsi entamée par l’ASCE/LC n’allait pas être une partie de plaisir, rapportions-nous dans un deuxième article. Veut-on vraiment la vérité dans cette affaire ? Nous demandions-nous.   Plusieurs mois après, les enquêteurs semblent encore loin, très loin, de voir le bout du tunnel. Leur travail est pratiquement au point mort depuis un moment. Que de bâtons dans leurs roues !

Connaitra-t-on un jour la vérité dans l’affaire de la vaste fraude douanière au bureau de douane de Ouagarinter, révélée par Bamyinga, il y a quelques mois et qui avait suscité l’émoi chez plus d’un burkinabè ? La question mérite d’être posée. Plusieurs mois après son ouverture, l’enquête de l’ASCE/LC qui aurait pu permettre de faire la lumière sur cette sombre affaire piétine. Une source bien au fait de ce dossier brulant soutient même que l’enquête est au point mort depuis un moment. Les enquêteurs auront tout essayé ; mais hélas ! Il y a des embuches, même trop d’embuches, dressées sur leur chemin. Pour rappel, notre article révélait comment un grand nombre de camions de marchandises de grande consommation tel le riz, le sucre, etc. appartenant à des magnats de l’importation au Burkina, avaient frauduleusement été déversés sur le marché national, sans que les droits et taxes dus en douane ne soient payés. Cela s’est passé des années durant dans ce bureau de douanes qui représente la plus importante porte d’entrée de devises dans le pays par la douane. Suite à ces révélations de notre article, l’ASCE/LC n’avait pas attendu pour ouvrir son enquête. Mais quelques jours seulement après l’annonce de l’ouverture de cette enquête, l’on a vu dans le compte-rendu du conseil des ministres une longue liste d’affectations dans l’administration des douanes, notamment au sein du bureau de Ouagarinter. Après ce curieux jeu de chaises musicales, et qui avait vu des acteurs clés de l’affaire mutés et de nouveaux hommes mis en selle, comme dans une volonté de brouiller les pistes ou, en tout cas, de donner du fil à retordre aux enquêteurs, les entraves ne manqueront pas sur leur chemin.

Le DG n’en sait-il pas trop ?

Information importante dans la compréhension de cette affaire, l’actuel DG des Douane, Mathias Kadiogo, n’est pas un acteur neutre dans celle-ci. Il n’est pas exagéré de dire qu’il y est même partie prenante. En effet, l’homme faisait partie des hauts responsables du bureau des douanes de Ouagarinter au moment des faits. Il était l’un des acteurs clés, sinon l’acteur clé des questions de dédouanement au sein de ce bureau dans la période concernée. Il occupait en effet le poste de chef de la brigade commerciale et responsable des magasins et aires de dédouanement au sein du bureau.  A cette position, il n’était pas n’importe qui au sein dudit bureau. Pour qui connait ce bureau, il s’agit là d’une position très stratégique en matière de dédouanement. Lorsqu’un camion entre dans ce bureau, avant de pouvoir en ressortir, il doit obligatoirement avoir le quitus du titulaire de ce poste. Sinon, il ne peut franchir la porte de sortie s’il n’est pas en règle, c’est-à-dire, s’il ne s’est pas acquitté de l’intégralité des droits et taxes dus à la douane. C’est lui et ses éléments qui contrôlent en dernière instance la conformité des formalités subies par chaque camion avant de lui donner le ok pour franchir la sortie de la douane.

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Une telle personne peut-elle raisonnablement ignorer les sorties frauduleuses de camions ne s’étant pas acquitté convenablement des droits et taxes dus ? En tout cas, ils sont nombreux, très nombreux au sein de l’administration des douanes à être convaincus que si fraude il y a eu dans ce bureau en matière de dédouanement, dans cette période, Mathias Kadiogo, ne peut raisonnablement pas dire qu’il était ignorant de cette fraude ; sauf à dire qu’il n’assumait pas vraiment sa mission à ce poste. Auquel cas, il a profité indument de son salaire de la période.

Alors, un tel homme qui se retrouve bombardé à la tête de l’administration des douanes, au moment d’une enquête visant à faire la lumière sur une telle fraude peut-il objectivement être un allié dans la conduite d’une telle enquête ? Peut-on, raisonnablement compter sur une telle personne pour laisser cette enquête aboutir ? Autant de questions qui se bousculent légitiment dans les têtes des personnes connaissant bien les péripéties de ce bureau. La suite de l’histoire sera du reste assez éloquente à ce sujet.

Des pans entiers d’archives introuvables !

D’abord, dès le début de leur travail les enquêteurs de l’ASCE/LC se retrouvent face à des trous d’air incompréhensibles dans les archives du bureau de douane de Ouagarinter. Des pans entiers de documents importants de dédouanement d’un grand nombre de camions de marchandises ayant transité par ce bureau de douane, avant d’être déversés sur le marché national, manquent curieusement à l’appel dans les archives dudit. On parle même de documents de six à sept mille camions qui seraient devenus subitement introuvables dans les archives du bureau. Les enquêteurs ont beau les réclamer, impossible de les leur fournir. Pourtant ces documents sont très essentiels pour la reconstitution d’un certain nombre de faits dans l’avancement de l’enquête. Où sont donc passés ces documents ? Pourquoi ont-ils disparu des archives du bureau ? Les a-t-on soutirés ? vraisemblablement oui. Mais à quel dessein ?  Bien malin certainement qui saura le deviner. Dans tous les cas, apprend-on de sources bien introduites, les enquêteurs auront tout fait en vain. Ils n’auront pas ces documents qui auraient pu leur permettre de faire la lumière sur cette affaire.

Ensuite, vient une autre étape non moins éprouvante pour les infortunés enquêteurs : en effet, apprend-on, en vue de cerner les contours de leur sujet, ils ont adressé une réquisition au DG de la douane pour avoir accès à la base de données de la plate-forme SYDONIA de la douane. SYDONIA, comme nous l’expliquions dans notre premier article, est le système informatique utilisé par la douane burkinabè depuis des années et régi par la note N°2007/000559/MEF/SG/DGD du 25 juillet 2007, pour le dédouanement automatisé des marchandises. Au-delà des archives physiques, cet outil constitue une sorte de mémoire vive, dans laquelle l’on peut retrouver l’historique de toutes les transactions douanières ayant eu lieu depuis sa mise en place. Le secret espoir des enquêteurs, en faisant recours à cette base de données, était de pouvoir reconstituer un certain nombre de faits concernant un certain nombre d’opérations de dédouanement ayant eu lieu à Ouagarinter.

Acceptation puis volteface du DG des douanes !

Dans un premier temps, à en croire nos sources, le DG des douanes se montre très magnanime, en répondant favorablement à leur requête, leur donnant ainsi la possibilité d’avoir accès à ladite plateforme pendant un certain temps. Puis, par la suite, patatras ! L’homme se rétracte. Il invoque, apprend-on, des risques d’intrusion et des engagements pris par son institution avec certains partenaires internationaux pour ne plus être à mesure de permettre l’accès à la base de données aux enquêteurs de l’ASCE/LC. Que faire ? Les enquêteurs se retrouvent du coup bloqués de toutes parts. Impossible pour eux d’avancer dans leur travail. Ils ont beau insister auprès du tout-puissant patron des douanes, révèle-t-on, sur la nécessité et l’urgence pour eux d’accéder à la base de données, rien n’y fît. Même l’évocation des dispositions de la loi organique portant attribution, composition, organisation et fonctionnement de l’ASCE/LC et celles du code de procédure pénale, pertinentes en la matière, n’y changera rien. L’homme reste intraitable. Pas question de permettre encore aux enquêteurs d’avoir accès à la plateforme. Même le procureur du Faso, informé de l’affaire, n’aurait pas pu non plus le faire fléchir. L’homme se serait pourtant déplacé pour rencontrer le procureur à son bureau, à en croire certaines indiscrétions. Et par la suite, plus rien.

En lieu et place des accès demandés par les enquêteurs, le DG des douanes propose plutôt qu’ils se déplacent dans ses locaux où il pourrait faire aménager par ses services une salle équipée du système informatique, où ils pourront consulter les modules de la plateforme qu’ils souhaitent. Mais qu’est-ce qui peut bien être derrière une telle proposition ? Est-elle innocente ? Ne cache-t-elle pas des risques d’interférence, voire de frottement incestueux ? En tout cas, il se dit que les enquêteurs seraient restés circonspects et méfiants face à cette proposition et n’y ont pas donné suite. Dès lors, l’enquête est dans l’impasse. Comment faire ? Les jours et semaines passent. Les mois aussi…

Est-on ainsi parvenu à étouffer cette rocambolesque affaire dans l’œuf ? Les prétextes invoqués par le DG des douanes, notamment les risques d’intrusion tiennent-ils vraiment la route ? De tels arguments sont-ils vraiment une marque de respect vis-à-vis de la haute institution de la République qu’est l’ASCE/LC ? Surtout quand on sait que même des acteurs privés comme les déclarants en douane ont accès à ladite plateforme dans le cadre de leurs activités ? Si ces acteurs privés ne sont pas des risques d’intrusion pour le système SYDONIA, pourquoi les agents publics, de surcroit assermentés de l’ASCE/LC, le seraient ? L’ASCE/LC va-t-elle se laisser ainsi compter dans cette affaire ? Nous y reviendrons.

Par Y. Ladji BAMA

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